Historique Gustave Baguer

Gustave Alphonse Baguer, un philanthrope engagé

Bien que peu célébré, voire complètement ignoré, BAGUER né en 1858 dans une modeste famille ouvrière, autodidacte. Il est un des précurseurs de l’enseignement pour les enfants anormaux à la fin du siècle dernier. Son action revêt divers visages : elle relève d’abord d’un travail de terrain constant et continu et d’un engagement personnel vis-à-vis des enfants sourds ; il en accueille dans sa classe en tant qu’instituteur, les aide, leur donne des cours supplémentaires ; elle relève en parallèle d’un engagement politique “dans l’ombre”, sous forme de lobbying auprès de députés et de sénateurs, de participation à des commissions afin de faire entrer les enfants sourds et aveugles dans l’orbite de l’enseignement public naissant, de missions à travers le pays pour encourager la création de classes spéciales, de préparation de textes législatifs, de tournées d’inspections pendant plus de 10 ans dans les écoles et établissements dédiés aux enfants anormaux.

Comme nombre de philanthropes de son époque, il se mobilise sur l’ensemble des problèmes sociaux de l’enfance, avec une double visée : moralisation des enfants des classes laborieuses et préservation sociale ; assistance républicaine et application du droit à l’éducation et à l’instruction à tous les enfants.

Jeune instituteur, BAGUER s’inscrit à la Société pour l’enseignement simultané des sourds-muets et des entendants parlants, très active auprès des maîtres, reçoit des enfants sourds dans sa classe, leur donne des leçons supplémentaires après ses heures de travail et souvent subvient à leurs besoins alimentaires. Républicain, il s’engage dès 1882 en faveur du rattachement des établissements de sourds et d’aveugles au ministère de l’Instruction publique et défend le développement d’un enseignement public pour ces enfants, jusque-là souvent privés d’instruction ou placés dans des institutions privées, généralement congréganistes, où, selon BAGUER, ils ne reçoivent ni les soins ni l’éducation indispensables. En 1892, il agit auprès des autorités scolaires et du Conseil général de la Seine, pour faire créer un internat où les sourds apprendraient à parler et acquerraient un métier. Il est nommé « secrétaire administratif » de la Commission qui étudie la question. L’Institut départemental des sourds-muets et sourdes-muettes de la Seine est créé en 1893-1894, à Asnières ; il en est le premier directeur. A partir de 1902. Il demande la création de nouvelles écoles pour les sourds et les aveugles et la transformation des établissements existants (rattachés alors au Ministère de l’Intérieur, comme l’ensemble des institutions d’Assistance publique) en écoles régionales rattachées à l’Instruction publique. En rapport avec lui, les députés TOURNADE et BUISSON obtiennent un amendement au budget de 1906 : les maîtres de sourds et d’aveugles pourront être payés par l’Instruction publique. Les premiers à en bénéficier sont les instituteurs d’Asnières. Enfin, de 1908 à 1914, BAGUER se met au service des parlementaires pour préparer et défendre le projet CHAUTARD visant à rattacher des écoles de sourds et d’aveugles à l’Instruction publique. Voté par la Chambre en 1910, ce texte suscite d’âpres oppositions, avant tout de la droite et des congréganistes. Il ne sera jamais voté par le Sénat.

Contre nombre de sourds, il est partisan de la méthode orale dite méthode allemande (démutisation, lecture sur les lèvres). En 1915, l ‘ouverture d ‘ une classe d’arriérés dans son Institut d’Asnières est vivement critiquée par beaucoup de sourds, à cause de la confusion qu’elle risque d’entretenir entre les arriérés et eux.

BAGUER agit, le plus souvent, par des démarches personnelles auprès d’hommes éminents et de parlementaires. Rien ne montre qu’il ait milité dans un parti et on ne le voit s’exprimer ni dans les amicales ni dans les syndicats d’instituteurs. Il participe à diverses associations, mais ses communications en congrès, comme ses publications, sont relativement peu nombreuses. BAGUER ne sort jamais vraiment de son statut d’instituteur. Ni grade reconnu ni entré dans un corps hiérarchique supérieur, avec ses avantages, cette fonction reste à mi-chemin entre un poste officiel et un travail de militant. BAGUER se voit attribuer diverses décorations, mais non la Légion d’honneur pourtant demandée pour lui. À 60 ans, contrairement au voeu de la Commission de surveillance de son établissement, on le met à la retraite, sans tenir compte de son propre désir. Dès son vivant, BAGUER est une personnalité pédagogique, discutée niais importante, du monde des sourds. Soucieux de toute l’enfance délaissée en général, il participera également à la création de la loi sur les pupilles de la nation à la fin de la Grande Guerre (loi de 1917).
Son but constant est de voir confié à l’État la gestion des enfants différents qui, comme tous les autres enfants, ont droit à un enseignement public dispensé par des maîtres formés, et non à de simples modes de garde plus ou moins satisfaisants. Son absence de position hiérarchique forte dans le monde de l’enseignement ou dans celui de la politique explique que son action, pourtant poursuivie inlassablement durant toute sa vie, soit restée ignorée du grand public et absente de la mémoire collective.

L’Institut d’Asnières accueille enseignants français et étrangers, venus se former aux méthodes qu’on y emploie. Illustration parmi d’autres des positions oralistes dominantes à la fin du XIX e siècle, sa pédagogie pour les sourds intéresse, aujourd’hui encore, les débats sur l’usage des signes et de la parole dans leur éducation. Il décède le 27 janvier 1919, à Paris, après une courte maladie, il est enterré dans l’ancien cimetière d’Asnières-sur-Seine.

• 4 juin 1858. Naissance à Paris XX, d’une famille ouvrière très modeste.

• 1871. Quitte l’école primaire, à 13 ans.

• 1871-1878. Exerce différents métiers et poursuit ses études en travaillant.

• 1893. Mariage. (Mme BAGUER, née Jeanne-Marie Victoire BLONDEL, institutrice, sera directrice de l’école des filles, à l’Institut départemental de sourds-muets d’Asnières.)

• 1879-1893. Instituteur à Paris, dans l’Enseignement public, après avoir exercé dans une école libre.

• 1894. Naissance d’une fille. (Marcelle BAGUER sera violoniste et partira en Grande-Bretagne.)

• 1894-1918. Directeur de l’Institut départemental des sourds-muets et sourdes-muettes de la Seine (Asnières).

• 1902. Secrétaire général de la Société pour l’enseignement simultané des sourds-muets et des entendants parlants, qui devient en 1904 Société pour l’instruction et la protection des enfants sourds-muets ou arriérés.

• 1911. Président du Comité de protection des anormaux, créé le 9 décembre par le Patronage de 1’Enfance et de l’Adolescence.

• 1918-1919. Directeur de l’Office des pupilles de la nation de la Seine.

• 27 janvier 1919. Décès, à Paris, après une courte maladie

• 27 janvier 2019. Hommage du 100ème anniversaire du décès de Gustave Baguer à Asnières-sur-Seine.